Des monuments aux morts bien vivants…
La mémoire de la Grande Guerre dans le Trégor et dans les Côtes-d’Armor de 1915 à nos jours »
Par Yann Lagadec, Agrégé et docteur en histoire,
Salle de conférence de l’Espace Sainte-Anne
Des obélisques, des poilus achetés sur des catalogues, érigés pour la plupart entre 1919 et 1924… A priori, une bonne partie des monuments aux morts de la Grande Guerre mis en place dans les communes du Trégor ne se distinguent en rien de ceux du reste de la Bretagne et, au-delà, de la France au lendemain de l’Armistice de 1918. Pourtant, à y regarder de plus près, les spécificités de la mémoire de la Grande Guerre dans les Côtes-d’Armor en général, dans le Trégor en particulier, sont bien réelles : nombre d’entre eux portent en effet la marque d’une certaine « bretonnité » qui donne une coloration locale à ces monuments, tellement présents dans nos villes et villages qu’on ne prend plus soin de les regarder, qu’on ne les voit même plus.
Utilisation massive du granit – notamment celui de Bégard –, épitaphes en langue bretonne, renvoi explicite à des unités mobilisées dans le Trégor, place faite aux fusiliers marins : nombreux sont les exemples de ces petits éléments qui distinguent les monuments des pays de Tréguier et Lannion de ceux du reste de la France et, pour une part, du reste de la Bretagne. La chose tient aussi à la place prise par une entreprise locale dans leur édification : les établissements Hernot, de Lannion, qui profitent largement de ce nouveau marché au lendemain de la Grande Guerre.
On le voit : l’histoire de ces monuments est bien plus riche qu’on ne le pense souvent et ne se limite pas à l’étude de la liste des poilus qui ont été tués au cours de la Première Guerre mondiale. Ils méritent de ce fait qu’on s’y arrête plus longuement, qu’on réapprenne à les regarder.
Yann Lagadec maître de conférences en Histoire à l’université Rennes 2, est détaché à l’Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan. Il y enseigne l’histoire militaire.