La capitale du Trégor, connue actuellement pour son pôle électronique et photonique, fut jadis un port actif au débouché de la vallée du Léguer. Elle vivait au rythme des marées qui menaient les caboteurs au cœur même de la ville. « Lannion sentait alors la vie marine », écrivait l’académicien André Bellesort à la fin du XIXè siècle.
Par sa situation sur le Léguer à six kilomètres de la mer, Lannion est l’exemple type du port de cabotage de fond d’estuaire qui a fait vivre toute une région grâce à son activité incessante. Créée au XIe siècle, en rive droite près d’une lagune, la ville doit son développement et sa richesse pendant les siècles suivants, à son port et à son trafic maritime. A travers la pêche, le bornage, le cabotage national et international, Lannion a connu de grands moments d’histoire maritime et de prospérité. Le port a même été quartier maritime et a vu toutes sortes de navires : les nefs, les caravelles apportant le sel de Bourgneuf et le vin de Bordeaux ou La Rochelle, les chasse-marée exportant les céréales, le chanvre et lin du Trégor à destination de l’arsenal de Brest, les corsaires à la poursuite de l’Anglais, les flambarts apportant la pêche, mais aussi le sable ou le goémon pour amender les terres, les sloops et gabares chargés de granit de l’Ile-Grande, puis les dundees, goélettes, bricks et trois-mâts goélettes assurant l’approvisionnement du pays en graines de lin de Riga, en rogue de Norvège, en houille de Grande-Bretagne, repartant avec des céréales, des poteaux de mine ou des pommes de terre nouvelles, et enfin les vapeurs, cargos et sabliers modernes amenant le bois du Nord, le ciment et le sable, matériaux nécessaires à la construction dont la demande a été très importante à l’après-guerre et dans les années soixante caractérisées par un boom économique dû à l’implantation d’usines de télécommunication, et à l’origine du Lannion moderne.
Quelques photographies retracent l’animation qui régnait, il n’y a pas si longtemps, le long des quais, au moment des opérations d’accostage, de déchargement, chargement et d’appareillage des navires. Bon nombre de Lannionnais étaient présents sur les quais, depuis la Corderie jusqu’au pont de Sainte-Anne. Le temps fort se passait au départ des navires, à la pleine mer du soir, il y avait foule pour assister au demi-tour que les plus gros d’entre eux devaient effectuer avant de redescendre la rivière, manœuvre délicate mais toujours bien réussie grâce à l’adresse du pilote du port. Quant aux photos des bateaux de plaisance et des jeux nautiques, elles sont là pour rappeler aussi les moments de divertissement, car le Léguer n’a pas toujours été qu’un espace de travail.
André Le Person